Entre deux rives

Entre deux rives

Cela fait plusieurs mois que je vis une véritable transition professionnelle. J’ai passé 13 années à plonger dans les profondeurs de l’humain, à accueillir la douleur des autres, à être un canal pour la guérison. 13 année à accompagner des femmes dans la douleur, l’indicible, la reconstruction et la renaissance. 13 années d’une grande intensité, à créer et transmettre

Ce cycle m’a construite, mais il m’a aussi vidée, comme une flamme qui a tout brûlé pour éclairer les autres.
J’en ressors riche d’expériences.
J’ai fini un grand chapitre initiatique de ma vie.
Mais avec un besoin vital de légèreté et de joie.

Depuis 2 ans maintenant, j'explore mon art et ma créativité.
Je sens que c’est juste, que ça m’aligne, mais il y a aussi l’inconfort et l’insécurité financière.
C’est aussi la période du “ni l’un ni l’autre” : ni thérapeute, ni encore pleinement artiste. C’est une zone floue, mais fertile. Le terreau du renouveau. Je ne suis pas perdue ; je suis entre deux rives.

Je quitte un monde (celui de la réparation, du soin, du féminin blessé) et j’en explore un autre (celui de la création, de la joie, du vivant). Ce passage est flou parce qu’il m’invite à redéfinir mon identité : qui suis-je si je ne suis plus “celle qui prend soin des femmes” ?

Peindre, écrire, créer… ce sont peut-être mes nouvelles portes d’accès à la guérison… mais autrement : sans porter, sans sauver, juste en inspirant, en transmettant la beauté du vivant.
Je n’ai peut être finalement pas quitté la “thérapeute” : je l’ai simplement métamorphosée.

J’ai accompagné la douleur. Aujourd’hui j'accompagne la vie.
Je suis passée de réparer à révéler.

Ce que mon âme semble chercher maintenant : c’est faire vivre mon art sans le cloisonner, c’est-à-dire que mon côté thérapeute, mon côté éducatrice et mon côté artiste peuvent se nourrir mutuellement.

C’est inventer un espace à moi : pas “art-thérapie” au sens classique, mais “création vivante”… un espace où les émotions, les couleurs et la poésie du quotidien se rencontrent.

C’est me redonner du plaisir à créer, sans attendre que ce soit “utile” ou “rentable” tout de suite car créer c’est mon carburant vital. C’est mon oxygène, mon centre. Si je ne crée pas, tout le reste finit par me sembler vide.

Je deviens alors celle qui relie la thérapie, la création et la pédagogie.
Mon futur métier n’existe peut-être pas encore tout à fait. C’est moi qui vais le créer.

Alors j’en suis là, je fais des remplacements en tant qu’Educatrice Spécialisée, j’ouvre des espaces de création pour les enfants, je crée des formations pour accompagner les professionnels en lien avec les enfants. Et puis je laisse libre cours à une autre part de moi : celle qui raconte des histoires, qui fait rêver et qui transmet des émotions aux plus jeunes.

C'est ainsi qu'est née la série Les trésors de Sarah. Chaque album est pour moi un petit monde où l'imagination, la curiosité et la bienveillance se rencontrent. Écrire ces histoires, voir ma fille créer les illustrations, inventer des univers colorés… m'anime aussi profondément. C'est un espace où les enfants peuvent grandir, réfléchir, rire et s'émerveiller, tout en développant leur créativité.

Aujourd’hui, je ne cherche plus à “choisir” entre mes différentes parts.
Je marche simplement entre les rives, là où la vie circule librement.
Là où la création, l’éducation et la transmission se rejoignent pour donner sens à ce que je suis.

Je ne sais pas encore où tout cela me mènera,
mais je sens que c’est vivant.

Et c’est tout ce dont j’ai besoin pour avancer.

Emeline DK Chamalune

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